Prix Gruber 2019 en cosmologie
Nicholas Kaiser and Joseph Ivor Silk ont reçu le Prix Gruber en Cosmologie pour leurs contributions fondamentales à la théorie de la formation de la structure cosmologique et à la recherche de matière noire.
9 mai 2019, New Haven, CT – Le Prix Gruber 2019 de cosmologie accorde sa reconnaissance à Nicholas Kaiser et Joseph Silk pour leurs contributions fondamentales à la fois à la compréhension de la formation de la structure cosmologique et la création de nouveaux moyens d’investigation de la matière noire. « Leur travail, indique la citation du Prix Gruber, a transformé la cosmologie moderne » - et ce de deux manières.
M. Kaiser et M. Silk se partageront la récompense de 500 000 $, et recevront chacun une médaille d’or pendant la cérémonie qui se déroulera le 28 juin à l’occasion de la conférence CosmoGold à l’Institut d’Astrophysique de Paris (France).
Bien que les deux théoriciens aient travaillé indépendamment l’un de l’autre la plupart du temps, leurs résultats sont complémentaires dans deux domaines de recherche majeurs pour lesquels ils reçoivent le Prix Gruber.
Le premier domaine de recherche a trait aux premiers instants de l’univers. Dans les années 20, des astronomes trouvèrent des preuves irréfutables que l’univers se dilate. La question logique étant : de quoi se dilate-t-il ? Rembobinez la cassette d’un univers en expansion et vous arriverez probablement à une boule d’énergie primordiale – un événement originel qui acquit plus tard le surnom de « Big Bang », et qui « résonnerait » encore aujourd’hui sous la forme d’une relique de radiation vibrant dans tout l’espace. Cette possibilité théorique devint une réalité physique en 1965 grâce au rapport de détection astronomique de la relique fossile refroidie de la radiation de la boule d’énergie primordiale.
Mais cette découverte présente un défi supplémentaire – immédiatement saisi par Joseph Silk, et il a proposé une méthode de recherche potentielle que Nick Kaiser a ensuite rendue opérationnelle.
Le rayonnement de fond cosmologique, ou CMB, qui est une photo d’enfance de l’univers, ne peut pas être entièrement uniforme ; si c’était le cas, l’univers précoce n’aurait pas contenu de traits naissants (petites fluctuations de la densité moyenne) qui, tout au long de 13 milliards d’années, auraient mûri, devenant l’univers que les astronomes observent de nos jours. En 1967 et 1968, M. Silk a calculé que les fluctuations de densité inférieures à une taille critique qui correspond à la masse d’une galaxie typique auraient disparu en raison de la diffusion de la radiation primordiale. La confirmation de cette prédiction – que l’on nomme à présent « Silk damping » (atténuation) – durent cependant attendre que les observatoires spatiaux fournissent des images du CMB à un niveau de précision suffisant.
Entre temps, les observations en cours de la structure correspondante à grande échelle – l’univers tel que nous le connaissons – furent sujettes à des interprétations contradictoires, au moins jusqu’à ce que M. Kaiser apporte, dans une série de papiers débutant en 1984, les outils statistiques qui ont permis aux astronomes de distinguer le « bruit » des données.
La collaboration surnommée DEFW (Marc Davis, George Efstathiou, Carlos Frenk et Simon D. M. White, qui partagèrent le Prix Gruber de Cosmologie en 2011) utilisa cette méthodologie pour cartographier les structures à grande échelle, tandis que des générations d’observatoire spatiaux fournirent la preuve des fluctuations primordiales correspondantes à des niveaux de précision de plus en plus élevés – tout d’abord le Cosmic Background Explorer en 1992 (Prix Gruber 2006), puis la Wilkinson Microwave Anisotropy Probe (Prix Gruber 2012) et enfin l’observatoire satellite Planck (Prix Gruber 2018).
Le second domaine de recherche en cosmologie auquel le Prix Gruber de cette année fait honneur est l’étude de la matière noire – la matière impossible à identifier à ce jour, que les cosmologistes détectent indirectement au moyen de son influence gravitationnelle sur la matière qu’ils observent directement. La collaboration DEFW se servit de la méthodologie statistique de M. Kaiser pour déterminer à la fois la répartition de la matière noire dans l’univers et sa nature non-relativiste (c’est-à-dire qu’elle se déplace à une vitesse qui n’atteint pas la vitesse de la lumière). M. Kaiser élabora aussi une méthodologie statistique pour détecter la répartition de la matière noire par « l’effet de lentille gravitationnelle faible » – un effet prédit par la théorie de la relativité générale d’Einstein dans laquelle une galaxie de premier plan amplifie la lumière d’une galaxie d’arrière-plan, ce qui permettrait de disposer d’une mesure de la masse des deux galaxies. Aujourd’hui, l’effet de lentille gravitationnelle faible est l’un des outils de cosmologie les plus fréquemment utilisés.
En 1984, M. Silk a proposé d’explorer l’identité des particules de matière noire à travers leur potentielle auto-anéantissement en particules que nous pouvons identifier (photons, positrons, et antiprotons), une stratégie qui continue de stimuler la recherche dans le monde entier.
M. Kaiser et M. Silk sont actuellement affiliés à des institutions parisiennes, M. Kaiser en tant que professeur à l’Ecole Normale Supérieure et M. Silk en tant que professeur émérite et chercheur à l’Institut d’Astrophysique de Paris (en plus d’un poste à 25% à l’Université Johns Hopkins). Tous deux ont fourni nombre d’autres contributions marquantes à leur domaine de recherche, toutefois leurs travaux sur le CMB et la matière noire ont véritablement révolutionné nos connaissances de l’univers.
Complément d'information
En plus de la récompense monétaire, chacun des récipiendaires recevra une broche de lauréat en or et un certificat sur lequel on peut lire :
La Fondation Gruber a le plaisir de remettre le Prix Cosmologie 2019 à Nicholas Kaiser et Joseph Ivor Silk pour leurs contributions fondamentales à la théorie de la formation de la structure cosmologique et à la recherche de la matière noire.
M. Kaiser proposa la description mathématique des fluctuations de densité primordiale qui ont évolué vers une structure de grande échelle, tandis que M. Silk prédisait l’échelle d’atténuation éponyme « Silk damping » imprimée sur les anisotropies du rayonnement de fond cosmologique (CMB). M. Kaiser lança l’analyse de l’effet de lentille gravitationnelle de la lumière des galaxies lointaines par la matière noire, tandis que M. Silk reconnaissait les signatures indirectes de la matière noire telles que les antiprotons dans les rayons cosmiques et les neutrinos à haute énergie provenant du soleil. Leurs travaux ont transformé la cosmologie moderne.